VACCINATIONFaudra-t-il vacciner les enfants contre le Covid-19 ?

Coronavirus : Faudra-t-il aussi vacciner les enfants pour sortir de l'épidémie ?

VACCINATIONUn scénario de l'Institut Pasteur suggère que la vaccination des mineurs serait indispensable pour lever totalement les restrictions et gestes barrières
La grande salle de concert de Gayant Expo Douai transformé en vaccinodrome.
La grande salle de concert de Gayant Expo Douai transformé en vaccinodrome. - FRANCOIS GREUEZ/SIPA / Pixpalace
Oihana Gabriel

Oihana Gabriel

L'essentiel

  • Une modélisation de l’Institut Pasteur suggère qu’il faudrait vacciner 90 % des adultes pour arriver à supprimer la circulation du variant britannique du Covid-19.
  • Mais si la France décidait de vacciner les enfants, ce pourcentage descendrait à 70 % des moins de 65 ans.
  • Le débat sur la vaccination des enfants semble donc ouvert, même si pour certains pédiatres il est très prématuré alors que la France manque encore de doses et de données sur les effets secondaires des vaccins sur les enfants.

Quand pourra-t-on retrouver la vie d’avant ? Pas tout de suite, si l’on en croit la dernière modélisation de l’Institut Pasteur. En effet, plusieurs chercheurs français se sont penchés sur l’effet de la vaccination sur la dynamique de l’épidémie de Covid-19. Ces modélisateurs jugent que la vaccination des enfants pourrait être une piste pour imaginer la fin des restrictions et des mesures barrières. 20 Minutes vous explique pourquoi.

Selon l'étude de l'Institut Pasteur, seulement 20 % des Français ont contracté le virus plus d’un an après le début de la pandémie. Les chercheurs rappellent que l’arrivée du variant dit britannique, plus contagieux, plus létal, change la donne pour arriver à l’immunité collective. « On avait annoncé au début de l’épidémie qu’il fallait 60 % de personnes immunisées pour atteindre l’immunité collective, qui représente le seuil à partir duquel l’épidémie n’évolue plus », rappelle Jean-Stéphane Dhersin, directeur adjoint scientifique au Centre national de la recherche scientifique (CNRS) et spécialiste de la modélisation des épidémies. Désormais, si on imagine que le variant anglais fait grimper le R0 à 4, [c’est-à-dire qu’un malade contamine en moyenne quatre personnes], il faudra donc vacciner beaucoup plus. »

Combien précisément ? « Si la campagne de vaccination porte uniquement sur la population adulte, il faudrait que plus de 90 % des adultes soient vaccinés pour qu’un relâchement complet des mesures de contrôle soit envisageable », notent les chercheurs de Pasteur. « Un chiffre qui fait peur, reconnaît Jean-François Dhersin. Au vu de l’acceptabilité actuelle, quand le président dit qu’on va rouvrir en mai ou en juin, c’est irréaliste. » En effet, selon notre baromètre de la santé YouGov, en partenariat avec Doctissimo, mi-mars, seulement 58 % des adultes souhaitaient se faire vacciner contre le Covid-19. Un chiffre qui revient dans nombre d’autres sondages et qui augmente très lentement depuis le début de la vaccination.

Vacciner les enfants, un débat prématuré ?

Pour sortir de ce casse-tête chinois, l’Institut Pasteur souffle donc une piste intéressante : la vaccination des enfants. « S’il est démontré que les vaccins sont sûrs chez les enfants et qu’ils réduisent efficacement la susceptibilité [risque d’infection] dans cette population, la vaccination de 60-69 % des 0-64 ans et de 90 % des plus de 65 ans pourrait permettre le relâchement complet des mesures de contrôle. » « Cette couverture est beaucoup plus envisageable », réagit le chercheur au CNRS. Dans une interview à Libération, Marie-Paule Kieny, présidente du Comité Vaccin Covid-19, allait dans le même sens : « si on veut limiter encore la circulation du virus et la survenue de variants, il faudra considérer la vaccination des enfants. »

Mais pour Christèle Gras-Le Guen, présidente de la Société Française de Pédiatrie, ce débat est prématuré. « Il faut procéder par étapes. On est en train de vacciner les patients les plus fragiles, les sujets les plus exposés, les soignants, les enseignants. Ensuite, il va falloir élargir les indications à tous les adultes, en particulier les jeunes adultes parce qu’on a montré que c’est chez eux que le virus circule largement. L’autre priorité, c’est de vacciner les enfants fragiles. D’ailleurs une centaine d’enfants ont déjà été vaccinés en France, quand ils ont des déficits du système immunitaire. »

Que disent les études sur les enfants ?

Pour le moment, les vaccins contre le Covid-19 ne sont pas autorisés aux moins de 16 ans, faute d’études suffisantes sur ce jeune public. Mais les laboratoires ont anticipé ce débat. Le 16 mars, Moderna annonçait un essai clinique afin de tester un vaccin pédiatrique contre le Covid-19 chez des enfants âgés de 6 mois à 11 ans. Pfizer avait une longueur d’avance : leurs essais cliniques dès 2020 avaient intégré des adolescents entre 16 et 18 ans. Ils ont donc ouvert par palier la vaccination à de plus jeunes mineurs. Avec un résultat inespéré : selon un essai clinique réalisé aux Etats-Unis sur 2.260 adolescents et dévoilé le 31 mars, le vaccin Pfizer/BioNTech est efficace à 100 % chez les 12-15 ans.

« Il faut qu’on s’assure que les bénéfices sont importants et les inconvénients mineurs, reprend Christèle Gras-Le Guen. Pour les personnes âgées, la balance est clairement positive. Là où ça devient une vraie discussion, c’est quand le bénéfice attendu est minime. Il faudra alors que les effets secondaires soient nul ou quasi nuls, sinon les familles n’accepteront pas de vacciner leurs enfants. »

« Nous attendons d’avoir plus de données »

Justement, la France prépare une étude sur les effets du vaccin AstraZeneca chez l’enfant avec Covireivac. « On proposera à des parents et enfants volontaires de participer à l’essai clinique pour évaluer, non pas l’efficacité, mais les effets secondaires et la production d’anticorps, explique la présidente de la Société française de pédiatrie. Pour le moment, il n’y pas encore d’enfant inclus. La vaccination des enfants, on y pense, mais on n’y est pas. Nous attendons d’avoir plus de données. Si nous découvrons deux effets secondaires graves, on arrête tout de suite. »

Les Etats-Unis envisagent déjà de vacciner les enfants dès l’été, le Royaume-Uni à l’automne. Le débat risque donc d’arriver prochainement en France. Par ailleurs, la Cour européenne des droits humains (CEDH), saisie par des parents d’enfants refusés par des écoles maternelles, faute d’avoir été vaccinés en République tchèque, a rendu son avis ce jeudi : selon elle, la vaccination obligatoire est « nécessaire dans une société démocratique ». « Cet arrêt vient conforter la possibilité d’une obligation vaccinale sous conditions dans l’actuelle épidémie de Covid-19 », a commenté Nicolas Hervieu, juriste spécialiste de la CEDH, interrogé par l’AFP.

Reste que si quatre Français sur dix refusent, pour le moment, la vaccination, combien accepteront de faire vacciner leurs enfants ? Surtout en sachant que ces derniers restent peu infectés et rarement par des formes graves. « On est dans le pays des vaccino-sceptiques, il n’y avait pas raison que cette pandémie change les choses, soupire Christèle Gras-Le Guen. Accepter les effets secondaires d’un vaccin pour des jeunes qui risquent seulement une maladie bénigne, c’est un acte de civisme. Pour autant, l’intérêt individuel qu’il faut pouvoir mettre en avant, c’est : la vaccination rime avec sortie de crise, place en terrasse et au cinéma. Ce qui me dérangerait, c’est qu’on soit obligés de vacciner des petits enfants quand des adultes ne l’auraient pas fait. Un enfant de CP comprend : le virus atteint surtout les jeunes adultes et très peu les enfants, avant de penser à vacciner son prochain, vaccinez-vous vous-même ! »

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